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Rapport de vendanges 2022

Le 4 octobre 2022
Quels mots trouver qui soient à la hauteur de tout ce que l'on voudrait raconter et partager quand on a eu la chance de vivre la naissance d'un millésime aussi exceptionnel que 2022 ! Certains pourraient se dire que nous aurions besoin d'un Virgile pour écrire une ode à 2022... En fait c'est la vigne elle-même qui, cette année, a écrit une ode à sa propre gloire... la vigne, cette plante extraordinaire, sans équivalent dans le monde végétal, qui a montré encore et plus que jamais, sa résilience et sa capacité à s'adapter aux extrêmes.
Depuis le début du printemps, sécheresse et chaleur faisaient souffrir hommes et animaux, brûlaient nos jardins, crucifiaient les arbres dans les forêts... Exposée aux mêmes conditions extrêmes, la vigne, elle, est restée verte, sans discontinuer, jusqu'aux vendanges. Notre angoisse était entretenue par la météo, nous avions peur de la voir se couper de son raisin pour survivre et nous le laisser sans jus ou sur-maturé, comme nous l'avions vu commencer à le faire en d'autres années très chaudes et sèches, comme 2003 par exemple... mais non, au contraire, elle a nourri jusqu'au bout ses grappes et nous les a livrées gorgées de jus et parfaitement mûres.
Aujourd'hui, trois semaines après les derniers coups de sécateurs et alors que les vins, terminés, viennent de rejoindre la paix de la cave, elle se repose, soulagée elle aussi, dans une fraîcheur enfin revenue de début d'Automne. Ses feuilles sont en train de virer : chaque matin, au vert encore présent, se mêle un peu plus de rouge... un peu plus de cuivre... un peu plus d'or... Miracle de la vigne qui flamboie avant de s'endormir après avoir accouché de son fruit ! C'est un automne glorieux comme jamais qui se prépare, épilogue d'une année que le mot exceptionnel ne suffit pas à qualifier, tant la résilience de la vigne tout au long de la saison et la récolte prodigieuse qu'elle a livrée n'ont pas d'équivalent ces dernières années.
Si l'on veut absolument faire des comparaisons, on peut penser à 2015... ou à 1999... années où la vigne a connu le même accomplissement, mais, pour nous, 2022 évoque avant tout 1959, millésime inoubliable, le seul dont le ratio qualité/quantité puisse être comparé à 2022 et qui avait marqué la renaissance de la Bourgogne après les quelque cent années de misère qui avaient suivi l'arrivée du phylloxéra au XIXème siècle.
Mais revenons à notre propos et tâchons de raconter les grands traits de cette aventure au bord de l'abîme, mais finalement triomphante, que fut la nôtre en 2022, et essayons d'énumérer quelques-uns des facteurs qui ont modelé et amené à la réussite cette exceptionnelle récolte 2022.
En tête de ces facteurs, il faut citer le gel catastrophique qui avait affecté toute la Bourgogne en 2021 et l'avait amenée à produire une très maigre récolte en quantité. La vigne a pu ainsi « stocker » des réserves non utilisées d'alimentation et d'énergie dont elle était prête à se servir en 2022 si les conditions climatiques s'y prêtaient.

C'est un phénomène assez classique dans les années qui suivent de gros aléas climatiques et c'est ce qui s'est produit sous la forme d'une « sortie de raisin » très importante constatée lors du débourrement.
L'hiver ne fut pas vraiment froid ni vraiment humide, même s'il y eut des jours de gel et de la pluie assez abondante en décembre.
L'important c'est qu'à partir du mois d'avril chaleur et sécheresse s'installèrent durablement, ce qui provoqua un débourrement précoce et, consécutivement, des risques de gelées qui furent heureusement sans effet. Conséquence de cette météo favorable, la végétation s'emballa. Pour les équipes de vigne, il en résulta une grande difficulté à enchaîner des travaux (taille, ébourgeonnage, relevage, accolage...) qui normalement se succèdent, mais cette année se sont chevauchés et nous ont obligés à travailler de manière exceptionnellement accélérée. Nicolas Jacob et Didier Dubois, nos chefs de culture, et leurs troupes soutinrent le défi, mais ce fut au prix de très longues journées de travail.
De ces mêmes conditions favorables découla une floraison elle aussi très précoce et très rapide, puisqu'elle débuta vers le 20 mai et se trouvait partout terminée dès le 30 mai. Une très légère et bienfaisante pluie, le 24 mai, accéléra le processus. Toutes les baies furent ainsi fécondées et il y eut extrêmement peu de coulure. Le nombre de grappes et la floraison complète de toutes les baies nous annonçaient déjà une récolte abondante.
Autre résultat de cette météo favorable : les maladies de la vigne habituelles (mildiou, oïdium, botrytis...) sont restées totalement à l'écart et nous avons pu diminuer drastiquement le nombre de traitements phytosanitaires.
Juin fut chaud, mais des pluies importantes survinrent à la fin du mois, dont 75mm entre le 22 et le 26 juin. Ces pluies qui vont aider la vigne à surmonter les vagues de chaleur qui vont suivre sont un autre facteur-clé de la réussite exceptionnelle du millésime à Vosne-Romanée.
Juillet fut extrêmement chaud avec plusieurs vagues de chaleur et pas la moindre pluie à l'horizon. Il en fut de même en août et, jusqu'au 15 août, on notait dans beaucoup de vignes, suite à la chaleur excessive, des blocages de maturité, signes que la vigne risquait de se refermer sur elle-même pour survivre en oubliant de mûrir normalement son raisin par photosynthèse. C'est alors que nous fut accordée la bénédiction de quelques pluies orageuses, du 15 au 18 août, qui apportèrent au total 20mm : là réside un autre facteur-clé de la réussite du millésime, qui explique notamment pourquoi la chaleur et la sécheresse n'ont finalement pas bloqué la maturation par photosynthèse du raisin. La vigne a porté des grappes qui, non seulement ont pu mûrir normalement, mais se sont aussi gorgées d'un jus que nous avons retrouvé à la vendange dans une récolte qui, en quantité, a dépassé les prévisions. Alors que nous craignions que les conditions sèches et très chaudes concentrent tous les éléments du raisin et que la pleine maturité, si on l'atteignait, serait accompagnée par peu de jus dans les baies, finalement nous avons eu les deux, une très haute maturité et beaucoup de jus.

Dans ces conditions, la progression de ladite maturité, profitant des belles journées qui ont suivi la pluie bienfaisante du 15 août, fut extrêmement rapide jusqu'aux vendanges.
Rassurés par cette évolution, nous avons pris le risque d'attendre que les maturités soient très complètes pour décider de commencer à vendanger :
- Les premières vignes cueillies furent les Corton rouges, Clos du Roi, Bressandes et Renardes, le 30 août, puis :
- La Romanée-Conti : le 1er septembre,
- Le Grands-Echézeaux : les 2, 3 et 4 septembre,
- Le Montrachet : le 2 septembre,
- La Tâche : les 4, 5 et 6 septembre,
- La Romanée-St-Vivant : les 7, 8 et 10 septembre (le 9 fut consacré au repos) - Le Vosne-Romanée Petits-Monts : le 10 septembre,
- L'Echézeaux : les 11, 12 et 13 septembre,
- Le Corton-Charlemagne : les 8 et 13 septembre.
Des vendanges longues, sur près de 15 jours, ce qui est inhabituel et dû à la quantité exceptionnelle de raisins magnifiques qui, blancs comme rouges, sont arrivés en cuverie extrêmement sains, sans aucune trace de botrytis ni d'aucune autre maladie. Les quelques baies qui avaient été brûlées ou un peu desséchées par le soleil ont été écartées en grande partie par les vendangeurs à la vigne, travail complété et affiné sur la table de tri.
Il y a longtemps que nous n'avons pas vu notre cuverie pleine à ras bord sans aucune cuve vide ! Nous nous en réjouissons et remercions les dieux et la nature d'avoir, dans leur bienveillance, compensé ce qu'ils nous avaient enlevé lors de la maigre année dernière.
Les leçons qu'apporte cette récolte 2022 sont nombreuses. Parmi elles, on peut citer l'importance du matériel végétal. A la cueillette, on a pu voir la différence entre les ceps, heureusement peu nombreux chez nous, portant de grosses grappes, compactes et lourdes et les ceps de types fins qui portaient des grappes nombreuses, mais petites, peu compactes et aux baies elles-mêmes petites et à peau épaisse. Ce sont ces baies-là qui vont donner aux 2022 toute la richesse, la complexité et l'élégance que l'on constate déjà dans les vins à peine décuvés.
Autre leçon : la résilience de la vigne, qui est restée verte pendant toute la saison et même après les vendanges. Nous y voyons le signe qu'elle connaît un début d'adaptation aux conditions climatiques exceptionnelles que nous connaissons et connaîtrons, semble-t-il, encore plus dans le futur.

Sans préjuger de ce qui se passera dans les années à venir, ce millésime 2022 renforce notre confiance quant à la capacité à s'adapter du Pinot noir et du Chardonnay chez nous, à condition qu'ils soient de types fins et mariés à de bons porte-greffes.
Ce millésime nous a permis en effet d'évaluer plus clairement que jamais les capacités d'adaptation de tel ou tel porte-greffe, ce qui nous guidera dans les choix futurs, qui seront essentiels, des bons porte-greffes adaptés aux conditions climatiques extrêmes que nous risquons de connaître.
Autre leçon: l'importance, toujours aussi essentielle, du choix de la bonne date pour vendanger. Comme nous l'avons écrit dans des rapports précédents, la réussite d'un millésime dépend bien sûr du travail conjoint de la nature et des hommes pendant toute l'année, mais aussi de notre prise de risque et, il faut bien le dire, de la chance. Nous avons eu beaucoup de chance, par rapport à d'autres, de n'avoir subi ni gel, ni grêle, ni aucun autre gros aléa. Le risque, nous l'avons pris en attendant que le raisin soit mûr, mais pas trop, afin de garder un juste équilibre entre la maturité du sucre et des tannins et la fraîcheur, c'est-à-dire d'éviter absolument le raisin sur-maturé qui risque de produire des vins épais qui ne sont pas bourguignons.
Les vins sont maintenant terminés et pour la quasi-totalité d'entre eux entonnés. Les vinifications se sont déroulées de manière extrêmement paisible et naturelle. Les magnifiques raisins encuvés et la bonne évolution des macérations ont permis à l'équipe de cuverie, dirigée de main de maître par Alexandre Bernier, d'affiner la vinification de chaque cuve et de chaque cru afin de porter l'expression de la magnifique récolte encuvée au plus haut niveau de son potentiel.
Le résultat est là : les robes sont magnifiques, les arômes déjà très développés et riches en parfums. En bouche on a des tannins souples, mais surtout une fraîcheur, une finesse et une élégance surprenantes compte tenu des conditions climatiques de l'année. Elles sont la preuve, là encore, de l'adaptation de nos cépages bourguignons à des conditions différentes de celles que nous avons connues au siècle dernier, mais auxquelles le génome de la vigne, suivant les époques, semble avoir la capacité de s'adapter.
Les vins blancs, eux, fermentent encore en fûts et foudres, dans la paix de la cave. Il n'y a pas eu de coulure non plus dans nos vignes de Montrachet et Corton-Charlemagne et elles ont, elles aussi, livré de belles quantités de magnifiques grappes dorées et parfaitement mûres. Les deux Climats bénéficièrent de pluies rares, mais en quantités à peu près équivalentes, même si ce fut à des moments différents. Dans les deux cas, les peaux exceptionnellement épaisses des baies ont protégé le raisin de toutes les attaques et ce sont des jus très purs issus de vignes en santé parfaite qui terminent en ce moment leur fermentation.


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