Vendanges 2001
A l'heure où nous écrivons ces lignes, les vignes sont comme une tapisserie de pourpre et d'or sous le soleil qui brille à travers une légère brume d'automne. Tableau somptueux dont nous jouissons dans le calme et la douceur de « l'été indien » qui s'est installé sur la Bourgogne.
Cette douceur et ce calme sont en contraste saisissant avec l'année au climat chaotique que nous avons connue, tour à tour anormalement pluvieuse, froide ou caniculaire - souvent sans transition, toute période de chaleur étant régulièrement suivie d'orages ... une année une fois de plus difficile à maîtriser où il a fallu une vigilance de tous les instants au niveau de l'application des traitements phytosanitaires - vigilance accrue encore par nos options biologiques qui entraînent l'utilisation de produits peu agressifs.
Quels sont les grands tournants de l'année 2001 ?
- Le débourrement intervint début mai, avec 15 jours de retard sur 2000 qui était excessivement précoce. Belle sortie de raisins. La taille sévère effectuée en mars fut complétée par un ébourgeonnage plus sévère encore que d'ordinaire afin de limiter une récolte qui risquait d'être importante.
- Beau mois de mai, mais juin fut froid et pluvieux. La floraison débuta, par temps frais, vers le 10 juin, mais, contre la logique, ne la ralentit pas trop et il fut surprenant de constater aux vendanges une maturation plutôt homogène des raisins. La pression mildiou resta forte tout le temps et la qualité de la défense phytosanitaire primordiale.
- Le mois de juillet fut plutôt froid avec de très fortes précipitations orageuses autour du 14 juillet qui amenèrent quelques attaques de botrytis. Le début et la deuxième partie du mois d'août furent caniculaires (on eut jusqu'à 38°C pendant 4 jours de suite ! ) d'où bien sûr des orages qui frappèrent très durement d'autres secteurs de la Côte, mais furent sans conséquence chez nous. En tout état de cause, le nombre de jours de soleil et la quantité de chaleur accumulée furent équivalents à ce qu'on observe dans une année comme 1995.
Beaucoup de précipitations donc tout au cours de la saison, mais plutôt courtes et fortes que de longue durée, et surtout espacées. Résultat : d'un côté la vigne ne connut jamais de véritable stress hydrique, ce qui normalement n'est pas favorable à une maturation complète des raisins, mais de l'autre ces pluies survenant après les périodes de forte chaleur, même anormalement forte, apportèrent à la plante une alimentation régulière en eau conservant ainsi une bonne activité de photosynthèse des feuilles et furent ainsi les auxiliaires bienvenus, d'abord de la véraison en août, puis, jusqu'aux vendanges, de l'enrichissement en sucre des baies. Par ailleurs grâce à la même alimentation régulière en eau, les vignes ne furent jamais assoiffées et les pluies qui survinrent juste avant les vendanges n'amenèrent finalement que très peu de pourriture, sauf dans les vignes trop vigoureuses.
A travers ce climat en perpétuel changement, se « construisaient » des raisins à peau plutôt épaisse et riche en anthocyanes, mais fragiles, que la vigne n'allait pas toujours parvenir à mener à complète maturité.
C'est, je crois, la grande caractéristique de l'année, qui eut des conséquences primordiales sur les décisions de vendanges : les vieilles vignes peu chargées et les jeunes vignes soigneusement éclaircies vont mener leurs raisins à maturité totale, mais, plus encore peut-être qu'en d'autres millésimes, les raisins portés par les ceps à charge un peu plus importante, trop vigoureux ou à grosses grappes, non seulement ne vont pas mûrir complètement, mais vont être aussi un terrain favorable au développement du botrytis.
Cette hétérogénéité entre les ceps fut aggravée par les quelques jours de froid qui précédèrent les vendanges et, à la veille de celles-ci, il nous parut évident qu'il fallait vendanger de telle manière qu'un tri puisse être effectué entre la vendange fine parfaitement mûre et saine, et celle dont la maturation s'était arrêtée en chemin, laissant ses raisins moins mûrs et exposés à la pourriture grise.
C'est ainsi que nous prîmes la décision de faire des vendanges très sélectives, en deux passages, qui de ce fait furent difficiles et réclamèrent une vigilance de tous les instants de la part des vendangeurs, de ceux qui les encadraient et bien sûr de la part des trieurs sur table à la cuverie. Mais le résultat recherché fut obtenu et si le millésime 2001 atteint à la qualité que nous espérons, ce seront ces vendanges super-sélectives et le travail de « haute couture » qu'elles réclamaient qui nous auront donné la victoire.
Il est actuellement bien trop tôt pour donner un avis sur la qualité finale ou hasarder des comparaisons avec d'autres millésimes. On peut néanmoins dire que les vinifications se sont très bien déroulées et qu'au décuvage, que nous sommes en train de terminer, les vins ont de belles robes, sont extrêmement aromatiques - les parfums au pressoir sont d'une puissance à vous renverser ! - et montrent pour l'instant une belle longueur en bouche. Nous verrons si leur évolution, au cours des semaines et mois à venir, confirme ces impressions plutôt favorables.
Les vendanges ont débuté le 24 septembre dans l'ordre suivant : Echezeaux, Grands-Echezeaux, Richebourg, Romanée-Conti, La Tâche et Romanée-St—Vivant, et se sont terminées le 30.
Quant au Montrachet, nous l'avons vendangé le 30 septembre, c'est-à-dire très tardivement par rapport aux autres producteurs, mais comme vous le savez bien maintenant, ce très grand cru permet d'attendre une maturité extrême sans perdre la fraîcheur qui l'équilibre.
2001 est encore une fois une « année de vigneron » : dans la mesure où la qualité du matériel végétal et tout le travail réalisé dans les vignes avant vendanges auront permis d'amener à la cuverie des raisins mûrs et sains produits suivant un rendement équilibré, on peut s'attendre à une belle qualité.